Ou comment plongeant dans le passé en s'accrochant à une image donnée par Paulette sur laquelle nous avons écrit ou fait écrire,
Où Fatima fait dialoguer des anciens d'un ici de l'époque de la jeunesse de Paulette.
Où Fatima fait dialoguer des anciens d'un ici de l'époque de la jeunesse de Paulette.
"Comme les Mousquetaires" de Fatima Mana d'après une photo de Paulette Vignal....
Ils sont quatre comme
les Mousquetaires, inséparables depuis l’enfance. Imprimée sur leur chemise
blanche la joie de se retrouver le dimanche, enchevêtrée au repos bien mérité.
Plantés en rang parfait devant le bar, un objectif de hasard saisit l’instant.
Derrière eux, s’enfile une rue qui se perd dans sa continuité. La campagne
toute proche moissonne sa saison. Fanions
et musique pris dans les filets du vent arrosent les ruelles de bonne humeur. Le
quotidien du labeur se déshabille et abandonne ses nippes sur les pavés. A
quelques pas de nos compères, deux connaissances que le hasard vient de
croiser, s’attardent mains dans les poches, et refont au milieu de la rue le
monde à leur portée.
C’est
le Paul, de la ferme des Balais qui attaque la conversation le premier.
- Tiens l’Emile…Comment
tu vas ?
- Et la mère avec ses
soixante dix ans bien sonnés… Toujours en forme !
-T’as vu le prix du
blé… Il vient de dégringoler !
- Si c’est pas
malheureux alors qu’on trime toute la sainte journée pour y arriver !
Emile
que le désœuvrement –dimanche oblige, rend bougon, ne se fait pas prier pour
rentrer dans la conversation et l’occasion de tuer le temps –c’est toujours ça
de gagner !
- Et toi la santé ça
va ?
Pas
de curiosité malsaine mais un intérêt tranquille habite sa voix.
- Tu sais bien que ce
sont ceux de là-haut qui tirent toutes les ficelles
- c’est toujours la même chose, nous pauvres
paysans, on ne fait que subir !
- A croire qu’il faut
toujours se battre, que ce soit hier pour un autre ciel, ou aujourd’hui pour
notre blé, on’ a pas fini de se donner rendez-vous au carrefour des résistances pour
lutter!
- Et puis t’as vu, même
la planète en perd la tête !
- Un déluge par ci, un
ouragan par là –il manquerait plus que la grêle s’y mette et nous serions
dans de beaux draps !
Parce que chez moi, la
batteuse n’est pas encore passée… !
Paul :
- Heureusement qu’on’
peut pas commander la météo, parce qu’avec la politique du chacun pour soi,
tous voudraient la part de soleil qu’ils n’ont pas, et alors là les guerres…
- Paraît même qu’elle
se réchaufferait dangereusement notre terre et que les océans seraient prêts à
la noyer…tu imagines !
- Mais Demain c’est loin !
- Pas tant que ça tu
sais…Qu’ils continuent bien avec leur bêton planté de partout !
- Et oui mon pauvre, la
terre n’en peut plus de boire la bêtise humaine, alors si elle se mélange à la
mer je te dis pas !
Emile,
air malicieux et sourire coquin aux yeux, s’aventure sur un terrain plus
léger :
- En attendant la mer, tu
viens, je te paie le canon !
- Alors comme ça, toi
aussi tu fais un petit tour de distraction !
Paul s’attarde
un instant rêveur, regard arrêté sur la femme élancée qui vient de les croiser,
digne d’un magasine de mode :
- Quel beau brin de
fille quand même cette Juliette, dorée à
souhait !
- Je te le ‘fais pas
dire !
-Et qu’en tu penses que
ça a épousé le fils du Marcel, un moins que rien celui là, et en plus sans un
sou vaillant !
Emile :
Bon, on le boit ce
canon !
Tous
deux s’avancent jusqu’au niveau du café, puis s’y engouffrent, suivis de près
par nos quatre copains qui évoluent depuis qu’ils se sont retrouvés, sur la
nonchalance dominicale. Tout ce petit monde se mélange autour du comptoir et puise
dans les mots de tous les jours pour arroser la discussion.
Juliette
quant à elle, marche au milieu de la rue comme si le monde lui appartenait,
l’esprit léger, du moins c’est l’impression qu’elle donne. Pour une fois, qu’elle
a osé prendre du temps qu’il faudra évidemment rattraper… Elle a bien
l’intention d’en profiter ! Un peu d’amusement ne fait de tort à personne
pense- t-elle, et puis avec sa sœur à ses côtés, elle ne risque rien
La
sœur :
- Est-ce que tout va
bien chez toi ?
- Tu m’as l’air un
tantinet remuée !
Juliette :
-Oh tu sais, je fais
avec… Il en invente toujours d’autres mon drôle !
Figure-toi que pas plus
tard qu’hier, il s’est mis en tête de vendre notre ferme… Tu imagines,
qu’allons nous devenir ?
La
sœur :
Oh mais tu as ton mot à
dire ma belle, l’époque des femmes aux bouches cousues est révolue !
Les
deux sœurs sont subitement avalées par la foule qui arrive de tous les côtés,
la discussion s’arrête net.
Sur
la droite, un fouillis de bicyclettes, appuyé contre un mur de pierres
séculaires, attend et témoigne du monde
présent.
Les
vélos se reluquent… La concurrence est rude.
- Non mais dis donc toi, avec tes pneus tous crottés, ton
proprio aurait au moins pu prendre le temps de t’astiquer un jour de fête, et
en plus, quelle puanteur… Non mais tu sors d’où ?
- J’arrive tout droit
de la source de la Dunière et crois
moi, dévaler un chemin plein d’ornières et de boue, ça vaut son pesant de
courage surtout quand on a un casse-cou aux guidons !
Coincée
au milieu des rayons, une voix enrouée tente de se mêler à la conversation :
- Moi si j’entends bien
que la planète ne tourne plus rond, je n’y suis pour rien !
- Regarde, pas un
moteur aux environs, on dirait qu’ils se sont donnés le mot !
Ah mais tu rêves ma
belle, ne crois surtout pas que ce soit
une histoire de prise de conscience qui aurait germé d’un coup face à la
pollution à outrance que nous subissons !
-Tu sais bien répond
son copain, tous autant qu’ils sont, ils veulent d’abord du vent fou dans leur
dos et des chemins remplis de coquelicots pour cueillir un peu de liberté histoire
de se rassurer!
- Et nous on attend
bien sagement que tout ce petit monde ait fini de s’amuser pour rentrer… Et je
te dis pas, selon son état on risque même d’atterrir dans le fossé avec une
roue voilée en prime !
Au fait, demande l’un
des vélos du premier rang, avez-vous déjà pédalé jusqu’aux orgues de Combier ?
- J’avais jamais vu ça…C’est
un endroit extraordinaire qui bavarde avec le vent !
- Bon, écoutez dit une
vieille bicyclette dont le cadre ne tenait plus que par son nom, il est temps
de rentrer… Regardez, la nuit vient de tomber et son ombre dévore déjà les
rues !
- Une idée vient de me
traverser… Pourquoi ne prendrions-nous pas la clé des champs histoire de leur
montrer ce dont on est capable même avec seulement deux roues !
Si
personne n’assista au départ groupé des bicyclettes, leur disparition subite fit
l’objet d’une merveilleuse légende que l’on brode encore aujourd’hui à la
veillée.
Fatima Mana